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Vimala Thakar Il convient de ne pas attacher trop d’importance à son histoire personnelle car elle dit elle-même : Nous sommes socialement morts. Nous vivons comme des flammes de vérité, des éclairs d'amour et des fleuves de compassion... Les informations de type biographique sont sans aucun intérêt en ce qui concerne la vie d'une personne spirituelle

Il sera donc plus judicieux de se reporter à ses écrits, aux nombreuses transcriptions de ses talks (voir bibliographie).

La biographie succinte qui suit est extraite du livre publié par Alain Delaye : Sagesses concordantes au éditions Accarias L’Originel 2003. Vous pouvez écouter un interview d'Alain Delaye (environ 10') sur ce livre.
Vous pouvez également lire une biographie plus complète faite plus récemment par Alain Delaye grace à la biographie écrite par Kaiser Irani : Avadhoot of Arbudachal, Biography of Vimala Thakar (Prabhat Printing Works – India – 2004).

Vimala naît en Inde, dans la province du Mahârâstra, près de Bombay en 1923. Son père, avocat, homme de loi, linguiste très cultivé, a étudié toutes les religions, mais n'en pratique aucune. Brahmane sans caste et rationaliste éclairé, il est ouvert à tous et a des amis dans plusieurs courants religieux. Il sensibilise sa fille aux questions spirituelles tout en lui demandant de ne se mettre sous la dépendance d'aucun gourou. "Le maître, lui dit-il, est dans ton coeur."

De son côté, le grand-père maternel de Vimala reçoit chez lui des yogis, des sanyasis et des svâmis. Il a ainsi connu Vivekananda, accueilli Saî Baba (l'ancien) et pratiqué le yoga sous la conduite de Svâmi Sîtaramdas. Sa fille, la mère de Vimala, croit en un Dieu personnel et n'est pas rationaliste comme son mari, mais tous deux vivent dans une atmosphère de liberté et d'affection. Vimala grandit donc dans un climat de cosmopolitisme religieux et de tendresse familiale auquel elle dit devoir beaucoup. Elle fait remonter ses premières aspirations religieuses à l'âge de trois ans et sa quête d'un Dieu personnel à l'âge de cinq. À sept ans, elle commence l'apprentissage du yoga et à douze, ayant déjà lu les biographies des grands maîtres indiens, elle fait une fugue pour motif religieux : elle veut aller vivre à Calcutta dans l'ashram de Vivekananda. Son père lui demande alors de continuer sa recherche... à la maison.

À quinze ans, son Dieu personnel cède la place à l'Énergie de l'esprit, et la vie qu'elle mène est d'une grande austérité. Mais bientôt, l'université élargit son champ de vision : elle y étudie la logique, la morale, la psychologie, la métaphysique et prend contact avec la philosophie occidentale. Le soufisme la stimule, la vie de Jésus l'enthousiasme et le bouddhisme lui apprend la relativité de toute approche idéologique du réel.

Au terme ce ces études, alors qu'elle a dix-neuf ans, elle part dans les Himalayas passer trois mois dans une grotte où Swâmi Ramtirth a vécu. Là, dans une solitude totale, elle fait l'expérience d'une conscience sans ego et de certains phénomènes parapsychiques. L'expérience aussi d'une énergie particulière, d'un autre ordre que celle que l'on connaît ordinairement. Mais, mentalement engourdie et affaiblie par ses austérités, le manque de nourriture et de sommeil, elle a un accident: lors d'un bain dans le Gange, elle se trouve emportée sans force, puis inconsciente. Des disciples de Svâmi Sivanada, qui voient flotter son corps, la sauvent in extremis. Elle interrompt alors sa quête himalayenne et retourne chez ses parents.

Un voyage aux Etats-Unis et en Angleterre la met en contact avec les disciplines scientifiques et les réalités technologiques. Son approche religieuse par les voies traditionnelles de l'Inde passe alors au second plan. C'est à cette époque qu'elle rencontre Vinoba Bhave, héritier spirituel de Gandhi, soucieux de promouvoir une révolution sociale non-violente dans la société indienne. Elle entre dans le mouvement Bhoodan et y passe huit années durant lesquelles elle visite presque tous les états de l'Inde, tenant des meetings, organisant des camps de travail, collectant des dons de terres pour les distribuer aux paysans. C'est pour elle une période d'intense activité et de surmenage. Elle y use sa santé et se le reprochera plus tard.

Elle se forme durant ces voyages et aussi à travers des séjours à l'étranger où elle peut observer les effets de différentes politiques. Vinoba l'envoie en Scandinavie approfondir la nature du mouvement coopératif, en Yougoslavie étudier la décentralisation administrative. C'est alors qu'elle répond à la lettre d'un ami communiste en soulignant que l'apport du communisme ne peut être négligé, mais doit cependant être intégré dans le cadre d'une vision plus large : celle d'une société qui ne soit pas seulement égalitaire mais aussi démocratique et humaniste. Au cours de ces voyages, elle prend conscience des méfaits causés par le racisme et les nationalismes de toutes sortes, ainsi que de l'impuissance des systèmes politiques à rendre les hommes libres et heureux.

Elle connaît alors une crise spirituelle profonde. Toutes ses certitudes et ses assurances étant remises en cause, elle parle d'une nouvelle et douloureuse naissance. La rencontre de Krishnamurti joue un rôle dans ce retournement et fait basculer son désir de révolution sociale en une exigence préalable de transformation personnelle.

Après plusieurs contacts, pris dès 1956, et une année de maladie (1960) où elle touche aux portes de la mort, une rencontre décisive a lieu en 1961, en Suisse où elle est venue soigner une oreille gravement endommagée. Krishnamurti lui guérit son oreille, puis se déclenche en elle une expérience de libération qui bouleverse son existence et ses orientations. Il la persuade de l'inutilité de la souffrance qui use l'esprit, et de la nécessité pourtant de la prendre à bras le corps pour l'éliminer. Après une conférence particulièrement forte de Krishnamurti, Vimala écrit : "L'essence de la vie de Krishnamurti est l'innocence, la simplicité et la fraîcheur. " Celui-ci lui conseille alors de changer son fusil d'épaule et de déplacer son champ de parole et d'action du domaine social au domaine spirituel. Elle hésite d'abord, avançant qu'elle n'a pas trouvé son propre langage et les moyens d'exprimer ce qu'elle pense. Mais Krishnamurti insiste, faisant valoir l'urgence de la situation, l'audience dont elle bénéficie déjà comme leader du mouvement Bhoodan, et finit par la décider. Désormais, elle donne une complète priorité à la révolution intérieure et fait des rencontres déterminantes pour les années qui suivent.

Toutefois, leur relation, si chaleureuse, si affectueuse, se rompt lorsque des amis plus ou moins bien intentionnés réussissent à convaincre Krishnamurti qu'elle se présente dans ses interventions comme une disciple mandatée par lui. K, qui ne veut ni disciples ni interprètes, la désavoue publiquement et, malgré plusieurs tentatives d'amis communs pour dissiper le malentendu, ne veut pas l'entendre. Elle accuse le coup, mais en tire leçon et se détache. Peut-être en avait-elle besoin ; elle constate toutefois avec lucidité et tristesse : "Cet événement m'a révélé dans la vie de K une fragilité insoupçonnée. Percevoir et verbaliser la Vérité est une chose, mais la vivre dans tous les secteurs de la vie en est une autre. " Désormais, tout en gardant une grande estime pour lui, elle vole de ses propres ailes et déclare : "En 1963, je me suis trouvée libre de mes engagements sociaux, et en 1973 de mes relations avec K. Je m'incline devant tous les sages anciens et actuels de l'Inde, K inclus, mais je suis libre de tous. " A la mort de K, Vimala pourtant lui rendra un vibrant hommage et reconnaîtra lui devoir beaucoup..

Commence alors un long voyage à travers le monde pour partager avec qui veut l'entendre sa conviction sur la nécessité d'une libération intérieure. En 1962, elle parle à de petits groupes en Hollande, Suisse, Norvège, France, Angleterre. Mais très vite, vers 1964, et bien qu'elle préfère les petits auditoires, elle touche des publics de 250 à 300 personnes, quelquefois 700 ou 800. Au fil des années, des universités européennes l'invitent. Elle anime des séminaires et des sessions de méditation, écrit des poèmes, publie des livres qui sont traduits en douze langues. Parmi les textes sortis de sa plume, certains méritent une attention particulière. Non tant pour leur qualité littéraire que pour la force de vérité qui s'en dégage. Vimala s'en explique en disant qu'elle les a écrits sous l'effet d'une forte impulsion intérieure. "The Flame of Life" par exemple, un petit recueil de sept poèmes, a été écrit presque sous la dictée. "Eloquent Ecstasy", une autre série de poèmes, se révèle aussi particulièrement inspiré. L'Italie, l'Allemagne, la Suède l'accueillent aussi, puis les Etats-Unis et le Japon en 1968, le Shri Lanka en 1971,1' Australie et Hong Kong en 1972, le Canada en 1976, la Pologne en 1983, l'Amérique du sud en 1985. Ses derniers voyages couvrent la période de 1987 à 1991. Le récit de ces voyages a été publié en Inde en 1996 par sa secrétaire Kaiser Irani, sous le titre "Vimalaji's Global Pilgrimage". On y trouve de nombreuses lettres et de précieuses notes personnelles jalonnant son périple mondial. Celles-ci montrent que, même en ayant inversé ses priorités, Vimala reste attentive à l'actualité internationale et réfléchit sur la situation des pays qu'elle traverse. C'est ainsi que le 19 août 1989, elle analyse avec enthousiasme l'arrivée au pouvoir de Lech Walesa et se réjouit de l'attitude tolérante de Gorbatchev autorisant les avancées démocratiques en Europe de l'Est. Au même moment, elle salue aussi l'unité naissante de l'Europe et émet le voeu que celle-ci s'affirme d'ici la fin du siècle. Elle se montre par ailleurs très sensible à tous les soubresauts de la politique indienne. Durant les dix premières années de ce périple, Vimala voyage seule, préparant elle-même ses repas, faisant sa vaisselle, lavant son linge. Mais, en 1971, des troubles de santé l'obligent à prendre quelqu'un pour l'aider. Partout où elle intervient, elle est réinvitée et retourne plusieurs années durant. Des groupes informels intitulés "les Amis de Vimala" fleurissent dans le monde entier, se regroupant autour du thème de la révolution intérieure. Elle finit toutefois par les dissoudre pour éviter tout risque de fixation sur sa personne. Comme Krishnamurti, elle ne cesse de récuser en matière spirituelle le principe d'autorité. Ce n'est pas un enseignement hiérarchiquement cadré qu'elle propose mais un compagnonnage dans la recherche : "Je ne suis pas une autorité qui fait des exposés ou des discours. Je partage avec des amis, et ce partage est méditation. "

À la remarque: "Vos interventions et vos voyages, pas plus que ceux de Krishnamurti, n'ont changé le monde", elle répond : "Nous n'avons jamais prétendu changer le monde ni l'humanité, mais seulement partager modestement, avec quelques chercheurs sérieux, des valeurs d'amour, de compréhension et de compassion qui seules nous semblent capables de faire bouger la société '.

Depuis 1991, après trente ans de pérégrination dans vingt-deux pays, Vimala a interrompu ses voyages et cantonne ses interventions en Inde, invitant les chercheurs qui la connaissent à venir la rejoindre. Elle y donnait récemment des exposés sur les Upanishads et les Yoga sûtras, se révélant une exégète remarquable, beaucoup plus positive que Krishnamurti dans son regard sur les traditions et les textes anciens. Ce qui ne l'empêche pas de dire que les responsables religieux campent au centre de leurs idées et croyances tout en essayant de tendre la main à ceux qui sont sur la périphérie, de l'autre côté de leurs frontières. Ce n'est pas, estime-t-elle, une base suffisante pour promouvoir une humanité fraternelle et une. Sa critique des institutions, des monastères et ashrams qui sectarisent les grands courants religieux est, à cet égard, plutôt dure.

Aujourd'hui encore, l'axe essentiel de son message reste le même développer une nouvelle conscience humaine libre de toute autorité, à commencer par celle de l'ego, promouvoir une révolution intérieure et relationnelle assez dynamique pour diffuser à travers toute la société, s'y acheminer par la voie d'une méditation toujours plus attentive au quotidien et d'une compassion toujours plus aimante. "Il n'existe qu'une seule religion pour l'être humain: être libre, vivre l'amour. Amour et Liberté. ", "La fleur de l'humanité n'est pas complètement ouverte, écrit-elle à un ami. Bouddha est un pétale, Jésus aussi, Shankara, Ramakrishna ... en sont d'autres, et Krishnamurti bien sûr. Mais il reste encore des parties fermées, immatures. " Un travail est donc à poursuivre, et c'est à quoi elle s'emploie. Sa vie est toujours semée de joies et de peines qu'elle vit pleinement et qui, quand elles cessent ne laissent pas de traces. "Je ne saurais dire si j'ai la paix maintenant. Peut-être suis-je la paix... Qu'il s'agisse de conscience éveillée, de liberté ou non, c'est à d'autres de le dire. Mais la quête est finie."